Juridique
Newsletter – Septembre 2025
09 Oct. 2025
Juridique
09 Oct. 2025
S’alignant sur la jurisprudence de la CJUE, la Cour de cassation a opéré le 10 septembre 2025 un revirement et considère désormais que le salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant la période de congé annuel payé a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congé payé coïncidant avec la période d’arrêt de travail pour maladie, dès lors que cet arrêt maladie a été notifié à l’employeur (Cass. soc., 10 sept. 2025, n° 23-22.732).
Le ministère du Travail a actualisé en conséquence sa fiche pratique relative aux congés payés, en apportant au passage un certain nombre de précisions pratiques sur les conséquences de cette jurisprudence.
L’occasion d’indiquer que les modalités du report des jours de congés payés obéissent aux nouvelles règles prévues par le Code du travail depuis la loi DDADUE du 22 avril 2024 (L. n° 2024-364, 22 avr. 2024 : JO 23 avr. 2024). Ainsi, « dès lors que des jours de congés payés, ayant coïncidé avec un arrêt maladie, font l’objet d’un report, les règles relatives au report des congés payés dans un contexte de maladie devront être respectées et l’employeur devra observer la procédure d’information du salarié […] ».
En pratique, cela signifie que le salarié bénéficie d’une période de report de 15 mois afin de pouvoir utiliser ses congés (C. trav., art. L. 3141-19-1). Il appartient à l’employeur, au terme de la période d’arrêt de travail pour cause de maladie ou d’accident, de porter à la connaissance du salarié, dans le mois qui suit la reprise du travail, les informations suivantes, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment au moyen du bulletin de paie : le nombre de jours de congé dont il dispose ; la date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris (C. trav., art. L. 3141-19-1 et L. 3141-19-3).
C’est à compter de la date à laquelle le salarié reçoit, après sa reprise du travail, ces informations, que débute la période de report de 15 mois durant laquelle il peut utiliser les congés payés qu’il n’a pu prendre (C. trav., art. L. 3141-19-1). En d’autres termes, tant que cette information n’a pas été donnée par l’employeur, la période de report de 15 mois ne saurait débuter.
Les congés qui ne sont pas « soldés » dans cette période de 15 mois (ou la durée supérieure prévue par accord collectif), doivent être considérés comme perdus, dès lors évidemment que l’employeur a rempli son devoir d’information à l’égard du salarié.
À noter : La durée de la période de report de 15 mois est une durée minimale fixée par la loi. Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut fixer une durée de la période de report supérieure.
Sources : Min. Travail, fiche pratique « congés payés », mise à jour le 17 sept. 2025
Une salariée engagée en qualité de travailleuse familiale, le 1er août 1984, par l’association Sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence de la Drôme, et exerçant en dernier lieu les fonctions de conseillère en économie sociale et familiale à temps partiel, est licenciée pour faute grave par lettre du 20 avril 2020.
S’estimant victime d’une discrimination, eu égard aux sanctions infligées à deux autres salariées pour des faits comparables, elle saisit la juridiction prud’homale d’une contestation de la rupture de son contrat de travail.
Déboutée en appel, elle se pourvoit en cassation.
Il est permis à l’employeur, dans l’intérêt de l’entreprise et dans l’exercice de son pouvoir d’individualisation des mesures disciplinaires, de sanctionner différemment des salariés qui ont participé à une même faute. Le fait de sanctionner différemment des salariés ne constitue pas en soi une discrimination au sens de la loi.
Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel a constaté, à propos des deux autres salariées auxquelles la requérante se comparait, pour Mme [E], qui avait également été licenciée pour faute grave en raison du caractère tardif de sa révélation à sa hiérarchie, en mars 2020, de suspicions d’abus sexuels sur mineurs connus par elle depuis décembre 2018, qu’elle avait suivi cette famille durant toute la période et, pour Mme [R], qui avait fait l’objet d’un avertissement pour la même faute, qu’elle n’avait suivi cette famille que jusqu’au mois de septembre 2019 et n’avait pas été informée de l’existence de nouveaux éléments alarmants en janvier et février 2020.
La Chambre sociale en déduit que les juges d’appel ont ainsi retenu que l’individualisation des sanctions disciplinaires était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ou détournement de pouvoir.
Source : Cass. soc., 17 sept. 2025, n° 23-22.456
Une salariée engagée à temps partiel modulé par une entreprise d’aide à domicile saisit la juridiction prud’homale d’une demande en requalification à temps complet. Elle reproche à son employeur de ne pas avoir bénéficié de la plage de non-disponibilité prévue par l’article 26 de l’accord de branche du 30 mars 2006 relatif aux temps modulés dans la branche de l’aide à domicile et fixée, par son contrat de travail, le jeudi.
Cet article stipule qu’en contrepartie à la mise en place du temps partiel modulé, pourra être indiqué au contrat de travail du salarié le principe d’une plage de non-disponibilité du salarié, dans la limite d’une journée ouvrable par semaine. Si l’employeur demande au salarié de venir travailler pendant cette plage de non-disponibilité, celui-ci est en droit de refuser l’intervention sans que lui soit opposable le nombre de refus indiqués à l’article 5 du présent accord (4 refus).
L’article 21 du même accord, qui donne la liste des mentions à indiquer dans le contrat de travail à temps partiel modulé, prévoit quant à lui qu’il comporte la contrepartie de l’article 26.
La salariée soutenait que l’employeur assimilait la journée de non-disponibilité (fixée les jeudis) à un jour de repos. Pour respecter le nombre de jours de repos hebdomadaire, le jeudi était alors décompté dans les jours de repos, alors qu’il aurait dû s’y ajouter.
La cour d’appel n’a pas suivi la salariée dans son argumentation. Elle a jugé que dès lors que l’employeur a respecté ses obligations conventionnelles en prévoyant une plage d’indisponibilité conformément aux dispositions des articles 21 et 26 précités de l’accord, la demande de la salariée en requalification de son contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet doit être rejetée.
La Cour de cassation approuve cette décision dans un arrêt du 10 septembre 2025.
Pour la Cour de cassation, le non-respect par l’employeur des dispositions conventionnelles sur les plages de non-disponibilité prévues dans le secteur de l’aide à domicile ne justifie pas la requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps plein.
Pour rappel, dans un autre arrêt, la Cour de cassation a déjà jugé que le défaut de mention dans le contrat de travail des plages d’intervention et d’indisponibilité du salarié, prévues par la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012, ne permet pas de présumer que le contrat était à temps complet.
Source : Cass. soc. 10 septembre 2025 n°24-14.473
La chronologie des faits de l’espèce était la suivante :
Entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date de prise d’effet prévue de la rupture conventionnelle, l’employeur peut procéder au licenciement pour faute grave du salarié pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période.
Toutefois, l’indemnité de rupture conventionnelle reste due au salarié, le licenciement ayant seulement pour effet de mettre un terme au contrat de travail avant la date d’effet prévue par les parties dans la convention.
Source : Cass. soc. 25 juin 2025 n°24-12096
Une salariée, employée en qualité d’agent de service d’une association de protection de l’enfance, ayant pris l’initiative de se déplacer à l’hôpital où avait été admise une mineure prise en charge par cette association, est licenciée pour motif disciplinaire pour lui avoir remis une bible. Elle saisit la juridiction prud’homale pour obtenir l’annulation de son licenciement et des sanctions disciplinaires antérieures, soutenant que ces mesures, prises en raison de ses convictions religieuses, sont discriminatoires.
La Cour d’appel estime que cette démarche de la salariée, intervenant après les faits similaires qui lui avaient été reprochés en novembre 2016 et juillet 2018, relevait du prosélytisme et que l’employeur était légitime à considérer que le comportement réitéré depuis 2 ans de la salariée à l’égard d’une population mineure et fragile, constituait un abus de la liberté d’expression et de manifestation des convictions religieuses, allant au-delà de l’expression de ces convictions, entravait l’exécution du contrat de travail et violait les principes fondamentaux inscrits au règlement intérieur, de sorte que le licenciement était fondé par une cause réelle et sérieuse.
La Semaine Juridique – Social n° 38 du 23 septembre 2025
L’arrêt est cassé et annulé par la Cour de cassation au motif que les faits reprochés par l’employeur étaient intervenus en dehors du temps et du lieu du travail de la salariée et ne relevaient pas de l’exercice de ses fonctions professionnelles, de sorte que le licenciement prononcé pour motif disciplinaire en raison de faits relevant, dans la vie personnelle de la salariée, de l’exercice de sa liberté de religion était discriminatoire et donc nul.
Avant l’été, plusieurs projets de lois concernant la sphère sociale étaient en cours d’examen. Ils devraient être votés à la prochaine session parlementaire après le vote du budget 2026.
Le projet de loi de transposition des ANI (accord national interprofessionnel) du 14 novembre 2024 sur l’emploi des séniors et le dialogue social : les trois accords nationaux interprofessionnels signés en novembre 2024 devraient être bientôt transposés dans la loi. Le gouvernement, comme il l’avait promis, souhaitait que ces accords soient transposés dans leur intégralité.
Plusieurs propositions de loi étaient en cours de navette dans les deux assemblées :
Certains textes règlementaires concernant la mise en œuvre de certaines réformes sont en attente, voir :
Le calendrier de la mise en œuvre de la directive européenne sur la transparence des rémunérations est repoussé : adoptée le 10 mai 2023, la directive (UE) 2023/970 vise à renforcer l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de valeur égale.
Lire l’intégralité de l’article sur les clés du social
Dans ce moment d’incertitude sociale, dans l’attente d’un nouveau gouvernement, nous avons peu de visibilité sur les suites qui seront données aux nombreux dossiers sociaux en attente. Parmi les mesures les plus attendues par les Groupements d’Employeurs, celle qui prévoit d’étendre à l’ensemble des GE « la mesure existant pour les Groupements d’Employeurs Agricoles de garantie des créances lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte à l’égard d’une entreprise membre du groupement. » Cette évolution est prévue dans le projet de loi de simplification de la vie économique adopté en première lecture le 17 juin à l’Assemblée nationale. CRGE reste en veille pour ses adhérents.