Juridique

Newsletter – Juin/Juillet 2025

25 Août 2025

Faits - Un salarié, conducteur routier, est victime d’un accident du travail. Le médecin du travail le déclare apte à son poste avec les réserves suivantes : « sans port de charge supérieure à 10 kg, tirer ou pousser une charge pendant 5 mois, sauf à l’aide d’un chariot électrique ». L’employeur l’affecte alors sur un autre site, auprès de différents clients, magasins d’une enseigne de grande distribution.

Quelques mois plus tard, le salarié est placé en arrêt de travail. Il demande alors la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il soutient que, sur les 7 magasins auxquels il est affecté pour la livraison, 6 d’entre eux ne sont pas équipés de chariot électrique. Il reproche ainsi à l’employeur de ne pas avoir vérifié que les lieux de livraison qui lui étaient attribués respectent les préconisations du médecin du travail et, donc, d’avoir manqué à son obligation de sécurité.

À l’issue de l’examen médical de reprise, le médecin du travail déclare, cette fois, le salarié inapte à son poste avec impossibilité de reclassement. Le salarié est licencié pour inaptitude.

La cour d’appel saisie du litige déboute le salarié de ses demandes notamment de résiliation du contrat de travail et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour manquement à l’obligation de sécurité. Elle estime que, si l’employeur ne s’est pas assuré que les lieux de livraison imposés à son salarié étaient tous équipés de chariot électrique, pour autant il n’a pas commis de manquement contractuel dès lors que le salarié intervenait dans des sociétés tierces, qu’il ne pouvait pas avoir connaissance de l’absence de chariot électrique et qu’il appartenait au salarié de l’alerter sur ce point.

Solutions - Le salarié forme un pourvoi en cassation. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa notamment de :

  • L’article L 4624-3 du Code du travail, selon lequel le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l’employeur, des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mental du travailleur ;
  • L’article L 4624-6 du Code du travail, qui impose à l’employeur de prendre en considération l’avis et les indications ou préconisations émis par le médecin du travail.

Il en résulte pour la Cour de cassation que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité, doit prendre en considération l’avis et les indications ou préconisations du médecin du travail. Autrement dit, le fait que les missions du salarié s’effectuent dans des entreprises tierces, clientes de l’employeur, ne crée pas, à l’encontre du salarié, une obligation de l’informer s’il constate que les lieux d’exercice des missions ne sont pas conformes aux préconisations du médecin du travail. C’est à l’employeur qu’il incombe de vérifier que les lieux de travail sont conformes à ces préconisations.

Incidences sur les Groupements d’Employeurs - La lecture de cet arrêt amène à s’interroger sur sa portée. La solution rendue par la Cour de cassation s’applique-t-elle aux groupements d’employeurs ? Certes, l’article L. 1253-12 du code du travail pose la règle selon laquelle l’entreprise utilisatrice est responsable de l’exécution des conditions de travail des salariés mis à disposition. Mais la qualité d’employeur conférée au groupement d’employeurs fait que ce dernier est tenu de vérifier que les lieux où le salarié effectue ses missions, situés dans des entreprises adhérentes, permettent de respecter les préconisations du médecin du travail. À défaut, il manque à son obligation de sécurité. On peut donc estimer que cette jurisprudence, rendue dans le cadre d’une opération de sous-traitance, s’applique également dans le domaine du prêt de main d’œuvre.

Cass. soc. 11-6-2025 n° 24-13.083